J’écris régulièrement des chroniques pour Educathèque, et, de temps en temps, je me plonge dans la lecture en réseau. Moment de béatitude totale pour moi, car je fouille, je lis, je fais des liens, j’écris, je réécris. J’aime particulièrement me prêter à l’élaboration de ces lectures en réseau, surtout que l’équipe d’Educathèque, Mélissa et Pascal, fait un travail formidable. Au milieu des ressources pédagogiques proposées aux enseignants, je pointe mon nez et me fait un plaisir de partager mes coups de coeur, mes thématiques et mes suggestions de lectures en réseau. La première que j’ai réalisée portait autour de la symbolique de la maison. La voici ici, sous le pissenlit.
Une maison vit et respire : dès l’enfance, la maison est le lieu du quotidien par excellence. En plus de remplir son rôle d’habitat protecteur, on y trouve son confort, et parfois même du réconfort. Dans ce lieu de vie on mange, on dort, on pleure, on rit, on se réunit, on joue à cache-cache, on s’invente des mondes, on fête, etc. La maison existe donc par les liens que nous créons en son sein entre les êtres et par les souvenirs qui s’y construisent. Bref, la maison est tout un symbole ! Un symbole qui va plus loin que le fait d’avoir un toit sur la tête. La maison c’est la famille, le foyer, la vie ensemble, l’amour, et bien d’autres !
Et si vous ouvriez des portes, si vous en fermiez, si vous en claquiez ? Mieux encore, créez-en ! Voici donc quelques titres, pour vous aider à construire une lecture en réseau autour de ce symbole. Il est à noter que plusieurs livres comportent le mot-clé dans leurs titres… une ruse je vous dis !

Comme livre déclencheur, celui qui pose la première pierre, je vous propose le roman Hubert-Léonard, de Bénédicte Froissart car la symbolique qu’il renferme est peu évidente. En effet, commencer avec un livre en apparence insaisissable va permettre de l’éclairer ultérieurement via les autres titres présentés. Hubert Léonard nous met en contact avec l’habitant du 22, rue du Genévrier, un être insaisissable et intemporel qui a vu défiler des vies et qui incarne l’âme de la maison. La maison aurait donc une âme ?
Le documentaire est également une option intéressante pour poser cette pierre. En présentant les maisons d’ailleurs via Maisons d’ailleurs racontées aux enfants d’ici, ce ne sont pas seulement des lieux que vous affichez, mais ce sont aussi des hommes, des peuples, qui vivent différemment. La maison devient ici un dénominateur commun.
Une maison de briques, de paille ou de bois ?
La maison est d’abord un univers physique, comme le suggèrent le tout-carton Devant ma maison et l’album Dessine-moi.. une maison. Dans le cartonné de Marianne Dubuc, on voyage d’une chose à l’autre, et les objets associés dévoilent le quotidien de l’enfant, mais attention, l’imagination a aussi sa place, car les liens établis nous amènent aussi dans un univers plein de fantaisie ! Le format de l’imagier permet de prendre conscience que la maison s’inscrit dans un univers bien plus grand que soi. Vous entendez déjà vos grands enfants vous dire :« Un livre pour les bébés ? Voyons donc ! » À vous de les bousculer un peu dans leurs lectures, et surtout de les intriguer ! Une maison c’est aussi de la géométrie, des formes, bref du concret.
Au fur et à mesure des pages de Dessine-moi…une maison, une maison se construit sous nos yeux. Cela se fait pas à pas, et il faut penser à tout : porte, toit, fenêtres, etc. Sur un ton très doux, l’album suggère que c’est aussi un lieu pour les amis, un endroit pour se protéger de la pluie, pour lire, etc. La maison est donc une construction géométrique, mais elle est aussi composée de choses, d’objets, etc. Qu’en est-il donc de son intérieur ?

Delphine Chedru a une curieuse façon de répondre à cette question avec Ma maison. Si Marianne Dubuc mêle quotidien et merveilleux, cet habitat-ci est… comment dire… étrange, bizarre, abracadabrantesque ! Cet album ressemble à un tiroir où l’on a jeté pêle-mêle toutes les choses qu’on ramasse, qu’on imagine. Bref, dans cette maison, il y a une quantité de choses à voir, à lire et à rire. Une maison bizarre, certes, mais une maison quand même car elle est composée de ce qui fait qu’on s’y reconnaît, qu’on y est bien. Une maison serait donc aussi à notre image ?
Alors, que penser des deux ours de l’album Le livre qui rend heureux ? Ici pas de mots, le texte ce sont les illustrations et tout se laisse deviner : la vie se déroule dans cette cabane autour de quelque chose que l’on peine à saisir, que l’on sait intuitivement. Continuons donc notre exploration pour affirmer ce lien qui pointe le bout de son nez.

Quand l’amour s’en mêle….
Finalement, une maison, ça peut aussi être un lieu pour être ensemble, non ? Un lieu à aimer ou un lieu pour aimer ?

Trois albums permettent d’explorer cet aspect. Dans La maison du crocodile amoureux, on voit combien il est difficile pour la girafe et le crocodile d’avoir la maison parfaite : celle qui convient à leurs dimensions et à leurs besoins respectifs. Qu’à cela ne tienne, ils vont s’adapter et, surtout, continuer à s’aimer ! Peu importe la forme ou le type de notre lieu de vie quotidien, et ce même s’il n’y a ni mur, ni toit; ce qui importe, c’est l’amour, comme nous le dit si doucement le poèteportugais Vinicius de Mores avec La maison. Une maison se transforme donc par amour. On construirait alors une maison, comme on construit un amour ? En lisant La maison de guingois, on s’aperçoit que la vie dans une maison change avec l’amour et avec la construction d’une famille. Ici, rien n’est linéaire, sauf par moments, et le lieu qui nous abrite reflète cela : rien n’est défini, mais ce qui compte, ce sont les autres, ceux qu’on aime, ce qui fait de nous une famille. La maison c’est aussi une question de « vivre-ensemble » ?


Trouver sa place

La famille, la famille d’accord, mais au bout d’un moment on a besoin de vivre sa vie, non ? Si dans La maison de Guingois, les enfants coupent le cordon, dans Chers maman et papa, notre ami le suricate a besoin de voyager pour se rendre compte que sa fratrie lui manque, et ce même si elle est envahissante ! Il revient chez lui, oui, mais il revient avant tout auprès des siens.
Nos compagnons de Tout est si beau à Panama , eux reviennent à la maison d’origine. Comme ils pensent que tout est mieux à Panama, ils décident de s’y rendre, de déménager. Mais leurs pas les guident à leur point de départ sans qu’ils s’en rendent compte ! Entre humour, et poésie, c’est notre façon de voir qui est questionnée.

Ce qui compte, ce sont les autres, mais qu’en est-il lorsqu’on quitte ensemble son lieu de vie ?

En effet, on déménage, on ne reste plus à la même place, on voyage, on bouge, Est-ce à dire que « être à la maison », cela peut être n’importe où ? L’album Alors on a déménagé de Jutta Bauer présente une famille et les différents lieux qu’elle habite : un violon, la lune, la neige. L’existence prend ici tout son sens, la poésie la rend éclatante, on vit, on bouge, mais on se trouve, et on prend quand même sa place à un moment.
Un réseau infini…
Et lorsqu’on est seul ? Lorsqu’on a ni toit, ni personne, comme Ahmed dans Ahmed sans abri Que devient-on ? Comment existe-t-on ?
Mais, ça, c’est l’histoire d’un autre réseau….

Retrouvez mes autres suggestions de lecture en réseau sur le site Educathèque (sur l’automne et Noël)
Hubert-Léonard, Bénédicte Froissart, Boréal, coll. « Boréal junior», 2005, 81 p.
Maisons d’ailleurs racontées aux enfants d’ici, Caroline Laffon, phtoos de Frédéric Malenfer, de la Martinière jeunesse, 2009, 76 p.
Devant ma maison…, Marianne Dubuc, La courte échelle, 2010, 120 p.
Dessine…moi une maison, Roxane Marie Galliez, ill. de Christophe Boncens, Auzou, 2011, 28 p.
Ma maison, Delphine Chedru, Le rouergue, 2001, 48 p.
Le livre qui rend heureux, Marije Tolman et Ronald Tolman, Milan jeunesse, 2010, 28 p.
La maison du crocodile amoureux, Daniel Kulot, Autrement jeunesse, 2005, 26 p.
La maison, Vinicius de Morales, ill. de Aurélia Fronty, Rue du monde, coll. « petits géants du monde», 2008, 16 p.
La maison de guingois, Marc Mongeau, 400 coups, coll. « les petits albums», 2006, 28 p.
Chers maman et papa, Émily Gravett, Kaléïdoscope, 2006, 26 p.
Tout est si beau Panama, Janosch, trad. de Genia Català. Joie de lire, 2011, 52 p.
Alors on a déménagé, Peter Stamm. Ill. de Jutta Bauer, Joie de lire, 2002, 43 p.
Ahmed sans abri, Barroux, Mango jeunesse, 2007, 34 p.
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