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Migration….

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Sous un pissenlit change…. Il a maintenant son nom de domaine! Dorénavant, vous me trouverez là-bas: http://sousunpissenlit.ca/

Je suis en train de procéder à des ajustements sur le site, je repense également la structure du blogue: peut-être archiver les anciens articles, moins de catégories, plus/moins d’analyses, bref, je cogite… Pour moi, l’hiver c’est comme le printemps: ça bourgeonne!

Autre projet: une bannière réalisée par un/une illustrateur/trice!

Mario Ramos (1958-2012)

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«Un bon livre c’est d’abord une bonne histoire.
Le texte et les dessins sont intimement liés, les deux racontent l’histoire. Sans oublier l’humour ( la politesse du désespoir ).
Je recherche la simplicité (qui demande parfois beaucoup de travail).
L’album pour enfants parle aussi aux adultes, d’où l’importance des différents niveaux de lecture. De toute façon, un enfant comprend toujours beaucoup plus que ce qu’on croit.»

C'est moi le plus fort

 

http://www.marioramos.be/index.php?c=b&lg=f

Pixels et poésie

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Toute la force verbale, imagée et émotive du haïku mise au service des nouvelles technologies… Étonnant ? Je dirais plutôt renversant !

Les nouvelles technologies font partie de nos vies, elles y participent, et pourtant, c’est comme si leurs aspects magiques et même poétiques étaient effacés au profit de leur rentabilité. Pixels, recueil de haïkus, leur porte un autre regard. Si elles sont abondamment utilisées, elles sont tout aussi abondamment décriées : on se plaît à honnir leur soi-disant inhumanité. Pourtant, ne font-elles pas partie de nous ? N’incarnent-elles pas aussi une facette, une nouvelle expression, aussi bien positive que négative, de l’humain ?

pixelsPixels, réalisé sous la direction d’André Duhaime et Hélène Leclerc, est un petit bijou de poésie et d’écriture contemporaine. Ce collectif est de ces littératures qui regardent le monde défiler et s’en imprègnent pour créer. Oui, il y a de la poésie dans les nouvelles technologies : tout est question de regard, de conscience du monde qui nous entoure. Ces haïkus nous permettent d’appréhender les avancées technologiques différemment et d’en ressentir les aspects humains que nous leurs nions : universalité, versatilité, solitude, communion, joie, vie, beauté, solitude, mort…

D’haïkus anodins, romantiques, cyniques, aux haïkus faits de rires, d’incongruité, de silences et de larmes, se dessinent des formes et des visages anonymes qui sont vous, moi. Le défi du haïku est d’aller à l’essentiel, de percevoir ces petites choses presque invisibles, ces « pixels » qui composent notre monde, nos vies, ces pixels qui nous composent. De là, naît une goutte de poésie, qui, flic, flac, floc, tombent sur le bout des doigts et amène à voir, à rêver, mais aussi à réfléchir ce nouveau monde « électrotechnologique » que nous créons et que nous vivons, ensemble.

En voici quelques-uns à murmurer, à scander, à slammer, à courrieler, à scanner ou à entourer de silence. Pas encore disponibles en MP3, pour le moment…

« dans la boîte vocale
le silence de son père
trois fois »

« dans le bus deux ados
baladeurs aux oreilles
rythmes différents »

« clavarder avec un ami
chez lui
déjà demain »

« derrière l’ordi
spaghetti de fils
pleins de poussière »

Pixels, collectif sous la direction d’André Duhaime et Hélène Leclerc, Éditions Vents d’ouest, 2008

Nouveau: je suis affiliée avec Rue des libraires. Qu’est-ce que cette affiliation? Et bien, si vous achetez un des livres proposés sur Sous un pissenlit via Ruedeslibraires.com, vous encouragez un libraire indépendant et je reçois un pourcentage sur les ventes générées par les liens affichés sur ce blogue. J’ai décidé de reverser ce pourcentage a une association dédiée à la promotion de la lecture et de la littérature jeunesse, soit La Fondation pour l’alphabétisation ou la Campagne pour la lecture. J’aimerais leur verser alternativement l’argent. Cela risque de prendre du temps car je ne publie pas frénétiquement et je ne m’attends pas non plus à générer des « milliards de dollars », mais cela me tient à coeur.

Pour acheter Pixels, c’est par ici

Cette critique a été publiée une première fois sur le site de la Librairie Monet (la meilleure librairie jeunesse de Montréal! ;-) )

L’oeil de la corneille, Shane Peacock. Sherlcok Holmes, pour toujours.

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Entre mystère et fascination, Sherlock Holmes est une empreinte de l’enfance. Je me souviens des romans de Conan Doyle sans pouvoir, étrangement, me souvenir de l’un d’eux en particulier, car ce qu’il me reste de lui oscille entre fugacité et rêverie. Le souvenir, un sentiment si étrange, parfois. Je classe Sherlock dans les souvenirs remplis d’affection. Et même si, lors de la lecture, je sentais que certaines choses m’échappaient ou que je ne comprenais pas tous les mots, peu m’importait, car j’aimais mon détective. Je l’aimais, oui.

oeil-de-la-corneilleAlors, lorsque je me suis plongée dans L’œil de la corneille, je l’ai fait avec crainte et une légère réticence, car je craignais de perdre les traces laissées par mes souvenirs, de les voir saccagés. Il est terrible de perdre les saveurs laissées par les lectures d’enfance, c’est comme si une part de nous s’altérait, se déchirait et se perdait, définitivement.

Mais, quelle surprise ! Quel bonheur de retrouver mon Sherlock… et de le découvrir aussi.

Merci Shane Peacock. Merci de faire revivre avec délicatesse et intelligence un des héros les plus marquants de mon enfance, et de la vôtre aussi, car on sent à la lecture que vous aimez Sherlock, que vous le respectez.

Peacock nous emmène dans un Londres où, entre l’aristocratie et les quartiers mal famés, notre jeune Sherlock Holmes mène sa première enquête avec brio. L’atmosphère de l’époque est admirablement bien rendue. Peacock a un sens du détail qui apporte au roman une saveur toute particulière, il est de ces auteurs qui permettent de s’approprier les lieux et de les visiter véritablement. C’est donc avec plaisir, et non sans quelques frissons, que l’on s’immerge dans ce Londres du dix-neuvième siècle. On se surprend même à entendre résonner ses propres pas sur les pavés londoniens.

Peacock nous embarque dans les méandres d’une enquête sinueuse et dangereuse, il nous plonge dans les bas-fonds d’une ville et nous perd dans les tréfonds de l’humain. Notre jeune Sherlock va devoir enquêter sur un coupable pour pouvoir se disculper. Dés le début, son intelligence, son impétuosité et son sens de la justice sont là, présents, sa solitude aussi. L’art et la virtuosité de Sherlock Holmes naissent sous les yeux du lecteur, et c’est avec avidité que l’on suit notre détective, avec angoisse aussi. On sent imperceptiblement que derrière cette naissance se cache une faille, une brisure irréparable. Sherlock Holmes recolle les morceaux, alors que lui-même semble être un éclat de verre brisé, fêlé. De là aussi naîtra sa superbe.

Au détour de sombres ruelles, il ne résoudra pas seulement un crime, il se trouvera, se créera lui-même, Sherlock Holmes détective, mais à quel prix…

Une genèse est dessinée, un personnage hors du commun renaît. Encore une fois je me retrouve nourrie par une lecture, je laisse le souvenir prendre sa place, je laisse Sherlock Holmes, héros et fascination de mon enfance, devenir une nouvelle empreinte, je le laisse vivre à nouveau. Peut-être deviendra-t-elle fugace, peu importe, car il est là, quelque part.

La jeunesse de Sherlok Holme. L’oeil de la corneille, Shane Peacock, Bayard Canada, traduction de Pierre Corbeil, 2008

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Cette critique a été publiée une première fois sur le site de la Librairie Monet (la meilleure librairie jeunesse de Montréal! ;-))

Un tango dans l’Étrange avec Enraciné

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Enraciné, de Mathieu Fortin, est un recueil de nouvelles fantastiques dont les intrigues se déroulent dans les 17 municipalités de la MRC de Nicolet-Yamaska. Mathieu Fortin s’est inspiré de sa terre d’accueil pour imaginer des histoires qui prennent l’allure de légendes. Pour ce projet, Mathieu Fortin a puisé au sein des anecdotes de la région pour forger des nouvelles aussi troublantes les unes que les autres: phénomènes inexpliqués, loup-garou, personnages étranges, le Diable, sources d’eau aux vertus magiques, filiations inquiétantes, légendes amérindiennes, etc. À la fin de chaque nouvelle, on retrouve une mise en contexte où l’auteur parle de l’anecdote qui l’a inspiré et qui l’a amené à créé ces nouvelles histoires.

EnracineOn passe d’une nouvelle à l’autre comme hypnotisé. Le lecteur est-il sous le charme d’un quelconque maléfice? Si maléfice il y a, on en reprend volontiers car il est l’oeuvre d’un écrivain qui sait happer son lecteur par une narration habile et souple. Habile car elle immerge le lecteur petit à petit dans l’étrange, elle le tient en haleine et l’invite tourner les pages encore et encore. Souple car elle le fait louvoyer dans des univers inquiétants qu’elle caractérise à merveille et dans lesquels le lecteur entre avec facilité. Ici, nul besoin de fioritures ou d’éclats pour amener le fantastique. Bien au contraire, c’est lorsqu’il s’amène par le biais d’un quotidien anodin que toute la force de l’étrange prend son ampleur et atteint sa pleine portée. Mais pour cela, il faut tout de même rendre cet aspect « quotidien » captivant et Mathieu Fortin maîtrise ses effets: il dupe le lecteur en installant l’air de rien un climat anodin qu’il déconstruit sans que le lecteur s’en rende compte. On se retrouve ainsi happé par ces nouvelles relevant d’un fantastique mâtiné d’une réelle étrangeté, un fantastique à la sonorité légendaire.

On ressort d’Enraciné un peu tanguant, un pied encore dans l’Étrange. Bien raconter une histoire, c’est aussi cela parfois: laisser le lecteur à la frontière du monde où l’auteur l’a amené.

Vous allez me dire, oui, mais Sous un pissenlit il est question de littérature jeunesse et de littérature adolescente…Et bien, je ne suis pas une partisane de la catégorisation des lectures. Les lecteurs adolescents peuvent aussi trouver leur compte dans les livres dits « adultes ».

Enraciné, Mathieu Fortin, ill. de Gabrielle Leblanc, éditions les six brumes, 2012

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Un sacré Père Noël

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sacre-pere-noel

Sur ma fiche d’identité de lectrice, il y a longtemps eu un grand X rouge face aux livres de Noël.

Les livres de Noël et moi n’avons pas toujours fait bon ménage (et nous nous accrochons encore un peu parfois). Peu me plaisent. À quoi est-ce dû? Une écoeurantite face à la surmultiplication des livres sur ce thème? Peut-être aussi parce que je trouve que peu sortent du lot, je les trouve souvent mièvres, convenus, loin de cette “magie de Noël” que tout le monde recherche.

Mais, depuis deux/trois ans notre relation s’est plutôt bien améliorée et je guette dorénavant les livres de Noël en librairie. J’attends le coup au coeur, j’attends le coup de foudre. Ils ne sont pas nombreux mais….

Cette année, quelle surprise de revoir un « sacré » classique datant de 1973 réédité.

Il a tout pour me plaire car il présente un Père Noël bougon. C’est le monde à l’envers ! C’est surtout très drôle, d’autant plus qu’un Père Noël bougon ça me parle… Surtout un Père Noël qui peste contre la neige, traite ses rennes d’idiots, n’a pas envie de travailler et qui apprécie une bonne gorgée de vin ou de cognac! (on le voit aussi sur les toilettes!) Vous l’aurez compris, rien de tel qu’un Père Noël un peu irrévérencieux pour me séduire.

Bande dessinée avec peu de texte, Sacré Père Noël, de Raymond Briggs est un album que l’on contemple en riant, en souriant et qui installe aussi un silence rêveur. Ses traits expressifs et ses images enveloppantes laissent un sourire aux lèvres pour longtemps. De cases en cases, nous suivons donc le Père Noël lors de la nuit du 24 décembre, et quelle nuit! C’est tout un travail de parcourir le monde par monts et par vaux, de braver la neige, la pluie et le brouillard pour distribuer les cadeaux (même à la reine d’Angleterre!). Le travail du Père Noël est loin d’être idyllique, il est même harassant.

Raymond Briggs présente un père Noël qui ronchonne, qui râle, qui bougonne et qui sacre… à sa façon: «Déjà ce sacré Noël!», «Sacrée neige!», «sacrée maudite neige!» (oui, il déteste vrrraiment la neige…), «sacrées cheminées!» et parfois il sacre tellement que Raymond Briggs épargne nos chastes oreilles. Ce père noël est, tout en étant délicieusement irrévérencieux, très traditionnel: grande barbe blanche, bedonnant, costume rouge, bouille sympathique. Ce mélange « tradition-irrévérence » en fait un personnage encore plus attachant. Il ressort de cet album un aspect « ordinaire » du père noël, un homme avec ses défauts et ses qualités que les bulles et les illustrations transmettent à merveille. Imaginez un Père Noël très bougon mais qui n’oublie pas de caresser Chat et Chien avant de partir en tournée et qui leur offre des cadeaux de noël…. Cette image dit tout, non?

Sacré Père Noël magnifie Noël avec ce personnage bougon mais ô combien sympathique. Il le magnifie car ce Père Noël c’est un peu vous, moi, c’est un peu nous.

Sacré Père Noël, Raymond Briggs, Grasset jeunesse, 2012, nouvelle édition

Nouveau. J’inaugure mon affiliation avec Rue des libraires avec Sacré Père Noël. Qu’est-ce que cette affiliation? Et bien, si vous achetez un des livres proposés sur ce blogue via Ruedeslibraires.com, vous encouragez un libraire indépendant et je reçois un pourcentage sur les ventes générées par les liens affichés sur ce blogue. J’ai décidé de reverser ce pourcentage a une association dédiée à la promotion de la lecture et de la littérature jeunesse, soit La Fondation pour l’alphabétisation ou la Campagne pour la lecture. J’aimerais leur verser alternativement l’argent. Cela risque de prendre du temps car je ne publie pas frénétiquement et je ne m’attends pas non plus à générer des « milliards de dollars », mais cela me tient à coeur.

Pour acheter, Sacré Père Noël, c’est ici

Sous peu, chacun des livres critiqués ici sera accompagné d’un lien vers Ruedeslibraires.com

Accrocheur, rondement et intelligemment mené: Averia, tome 1: Seki

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Tout un roman de science-fiction et tout un auteur à surveiller!

Averia est une planète où humains et Tharisiens cohabitent. Les Tharisiens se sont emparés d’Averia par la force et la guerre a laissé sa trace dans la mémoire collective mais aussi dans la vie civile. Les politiciens humains forment un gouvernement fantoche à la solde des dirigeants tharisiens et les droits ne sont pas les mêmes pour tous. Certains humains s’accommodent de cette cohabitation, trouvant que leur situation n’est pas si dramatique et  surtout ils veulent vivre en paix. Seki en fait partie. Sa soeur Myr est tout le contraire: elle ne souhaite qu’une seule chose: la révolution et le départ des Tharisiens, quitte à passer par leur extermination…

Patrice Cazeault a construit son histoire autour de cette dichotomie des personnages. Le récit alterne entre les voix de Seki et de Myr et marque bien leurs personnalités si distinctes. Chacune est une personnification du peuple humain d’Averia: ceux qui se taisent et ceux qui grondent. À leur façon, elles incarnent aussi des extrêmes: Myr et sa haine face à Seki et son silence obstiné et aveugle. Elles sont à la fois témoins et actrices de ce qui ronge la société humaine et Tharisienne. Et ce qui ronge la planète, c’est le silence et la haine.

Les deux soeurs semblent, de prime abord, sans nuances. Et pourtant. Cazeault amène le lecteur a élaborer lui-même ces nuances en passant par les caractères forts de Myr et Seki. On les saisit via cette farouche opposition qui les divise et par les quelques petits détails de leur vie et de leur passé. Seki est éteinte, soumise mais son refus de la violence nous permet de nous y attacher et de croire en son rêve de paix. Myr est si virulente, emplie d’une violence rentrée – elle parle d’exterminer les Tharisiens qu’elle considère comme de la vermine – qu’elle en est effrayante et nous donne envie de hurler face à l’idéologie révolutionnaire qu’elle recrache: tout pour la cause, l’humain est secondaire. Pourtant, le lecteur comprend Myr car il ressent ses meurtrissures (cause de sa haine des Tharisiens) et reconnait aussi sa volonté féroce de vivre libre.

Patrice Cazeault aurait pu tomber dans la caricature, mais il a réussi à broder des personnages complexes qui, sous une apparente monochromie idéologique, amènent le lecteur à se questionner, se passionner et refuser à la fois les extrêmes et le silence. Avec cette alternance de point de vue, le lecteur vit ainsi au plus près de Seki et de Myr et lorsque l’action pointe le nez, il n’a plus qu’à suivre, d’autant plus que les scènes sont bien découpées, dynamiques avec des chutes de chapitres particulièrement punchées et qui font tourner vivement les pages. Elles gagneraient cependant à être un peu plus étoffées pour donner plus de corps au roman.

Aucun répit ne nous est laissé avec les interventions journalistiques de Charal Assaldion ni avec le dialogue presque « serein » que Seki entame avec le personnage d’Haraldion, un Tharisien qui lui témoigne de l’empathie dans un moment où elle est à la merci des Tharisiens. Ces passages donnent l’impression, au premier abord, de laisser le lecteur respirer entre deux plongées dans les univers mentaux de Seki et Myr. On s’y imprègne en fait encore plus du climat qui règne à Averia:coups bas politiques, démagogie provenant à la fois des révolutionnaires et du gouvernement Tharisien, conflits politiques internes qui gangrènent le gouvernement. Bref, le lecteur se rend compte que rien n’est simple sur Averia et les conflits qui rongent les sociétés tharisiennes et humaines sont des méandres sinueux à l’origine complexe.

Patrice Cazeault a réussi à construitre une trame narrative et une histoire prenantes avec des personnages forts, cependant cela s’essouffle un peu à certains moments. Cet essoufflement se marque à deux niveaux: le personnage de Myr devient un peu redondant avec “cette plaie ouverte” que nous donne sans cesse à lire son monologue intérieur. On peut certes être compagnon de ses pensées, mais il aurait été encore plus marquant de voir cet état que de “se le faire dire”aussi souvent. Myr est rongée par la haine et son discours idéologique est une cassette qu’elle ne fait que repéter, mais sa douleur intérieure, source de ce discours de haine, aurait gagnée à être plus nuancée dans son expression.

Le second point concerne Seki par laquelle la résolution de l’histoire arrive: elle prend subitement position et ce changement intervient sans nuances, il est trop brusque: le lecteur n’assiste pas à l’évolution de Seki, il se le fait dire. La fin qui en découle en est précipitée et cela rompt avec le caractère élaboré du reste du récit.

Malgré ces deux points, ce premier tome de la série Averia est terriblement accrocheur, rondement et intelligemment mené. Patrice Cazeault a le sens de l’action et des nuances. Il entame avec Seki une série prometteuse et il a planté les grains de la curiosité: Tharisiens qui êtes-vous? D’où venez-vous?

On les pressent miroir des humains…

Prospéryne a parlé de Seki ici et Eve en a aussi parlé sur Sophielit.ca.

Pour faire un tour sur le blogue de l’auteur, c’est par ici.

Averia, tome 1: Seki, Patrice Cazeault, Ada, 2012, 348 p.

En novembre

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On oubliera.

Les voiles de deuil, comme les feuilles mortes, tomberont. L’image du soldat disparu s’effacera lentement dans le cœur consolé de ceux qui l’aimaient tant. Et tous les morts mourront pour la deuxième fois.

Roland Dorgelès

Novembre est un mois en demi-teintes ; il peut être ensoleillé, comme il peut être pluvieux et glacial. L’automne n’est plus tout à fait là, et l’hiver aime nous rappeler qu’il n’est pas très loin.

Novembre.

Depuis que je suis toute petite, novembre, c’est pour moi la pluie. La pluie froide du Nord de la France. Novembre, c’est aussi pour moi la Toussaint et la semaine de vacances qui l’accompagne. En novembre, le temps est souvent gris, il ralentit.

Depuis toujours, novembre a une atmosphère particulière : celle de la saison, et celle, plus indicible, de l’Histoire.

J’ai grandi dans une région où les champs accueillent, ici et là, des Blockhaus de béton, vestiges de la Première et de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, ils sont moins gris, ornés de graffitis, et sont les refuges de squatteurs.

Novembre est, pour moi, le temps des commémorations: celle de la Première Guerre mondiale mais aussi de toutes les autres guerres passées et présentes et de leurs victimes, civiles et militaires.

Lorsque j’étais petite, il y avait à la télévision les retransmissions de cérémonies de mémoire envers les Poilus, les soldats de la Première Guerre mondiale, une des guerres les plus meurtrières, une de celles qu’on pensait être la dernière: la Der des Der. Je me souviens de leurs paroles tremblantes et presque inaudibles. Il n’y a pas que leurs mots qui tremblaient.

***

« Dix heures cinq

Ils sont partis à présent, et je suis enfin seul. J’ai la nuit entière devant moi, et je n’en perdrai pas le moindre instant. Je ne la gaspillerai pas à dormir, je ne la passerai  pas à rêver. Il ne le faut pas, car chaque moment en sera beaucoup trop précieux.

Je veux essayer de me souvenir de tout, dans les moindres détails. J’ai presque dix-huit ans d’hiers et de demains, et ce soir je dois me rappeler le plus grand nombre de jours possible. Je veux que cette nuit soit longue, aussi longue que ma vie, et qu’elle ne soit pas remplie de rêves flottants qui me précipitent vers l’aube.

Cette nuit, plus que jamais dans ma vie, je veux me sentir vivant.»

Extrait de Soldat Peaceful, de Michaël Morpurgo

***

Mon grand-père paternel a fait la Seconde Guerre mondiale, on croyait aussi que celle-là serait la dernière. Il a été prisonnier de guerre et a été envoyé sur une ferme allemande pour travailler. Le fermier est devenu son ami et ils ont gardé contact en s’envoyant des mots lors des fêtes de fin d’année. Puis, mon grand-père est décédé et son ami allemand a continué d’écrire à ma grand-mère. Lorsqu’elle est morte, je lui ai écrit pour lui annoncer. J’ai reçu une longue réponse tapée sur une machine à écrire par sa petite fille. Dans mes mains, je tenais un peu de mon grand-père, un peu de ma grand-mère et un peu de cet ami allemand. Dans mes mains, je tenais des morceaux d’hommes, un morceau d’histoire.

Mon grand-père Joseph est revenu vivant de cette guerre. Mais pas complètement. Il avait changé. De ce que je sais, il avait perdu de sa gaieté et n’a plus jamais voulu toucher à sa trompette, lui, le musicien, membre de la fanfare. Ce n’est pas lui qui me l’ a dit, c’est mon père, car je ne me souviens pas d’avoir connu mon grand-père « sain d’esprit ». Il ne parlait plus, ses mots lui avaient été enlevés et sa mémoire aussi. La seule image que j’avais de lui étant petite, c’était celle d’un vieil homme assis, le regard perdu, poussant par moment des cris et qui ne reconnaissait pas sa famille. Ma grand-mère, Joséphine, s’occupait de lui: elle le nourrissait et veillait à ses côtés.

Ce qui me reste de Joseph et Joséphine, c’est une broche rectangulaire. Elle est transparente et, à l’intérieur, il y a une petite photo en noir et blanc de mon grand père, un mini drapeau français et les mots suivants: « J’attends mon mari ».

 Aujourd’hui, me reviennent ces mots si vrais de Julius Lester dans Les larmes noires: «L’Histoire, ce n’est pas seulement ce qui s’est passé tel jour à tel endroit. C’est aussi la biographie émotionnelle de ceux à qui l’Histoire s’est imposée avec une cruauté que nous pouvons à peine imaginer.»

Novembre, c’est l’Histoire. Novembre, c’est découvrir le désespoir, l’horreur, la souffrance, la mort ; c’est aussi ceux qui ont dit « non ! » et ont été fusillés pour cela ; c’est l’incompréhension ; ce sont aussi des familles détruites, les médecins dépassés, les deuils infinis, les plaies à jamais ouvertes.

Novembre, c’est aussi les soldats qui reviennent, qui témoignent.

Novembre, c’est aussi la trêve de Noël.

Novembre, c’est apprendre de l’Histoire.

Novembre, c’est se souvenir.

Je porte en moi Joesph et Joséphine. Je porte en moi l’ami allemand et les Blockaus de mon Nord natal. Je porte en moi des histoires.

En novembre, les éclaircies existent aussi parce qu’il y a eu Joseph, Joséphine et l’ami allemand. Et qu’il y en aura d’autres.

Les morts ne mourront pas une deuxième fois.

Extrait de la liste officielle numéro 76 des prisonniers français.
Source: BNF/Gallica: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5743977c.swf

 
(Cet article reprend partiellement celui que j’avais écrit en 2010 pour Le Délivré)

Un livre, c’est un électrocardiogramme

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Un livre, ce n’est pas juste le « sens » textuel, c’est aussi les sens cachés, non-dits, ceux auxquels le lecteur est mené par son intuition… ou pas. Cela peut être ceux qu’il discerne un peu, beaucoup ou pas du tout. On se construit aussi comme lecteur en se perdant parfois dans les livres et dans les échecs de lecture. Notamment en tombant sur des mots «inconnus».

C’est en tombant qu’on apprend à se relever, surtout que le sens d’un mot «inconnu» dans une phrase, c’est un petit caillou, rien de plus. Mais il y a une tendance à vouloir que tout fasse sens par peur de mettre le jeune lecteur en échec, par peur de le dégoûter de la lecture (à cause de quelques termes dans un livre?). La peur de l’échec, la peur du mot «inconnu»… Je trouve que cette phrase de Montaigne «Enseigner, ce n’est pas remplir un vase, c’est allumer un feu »  est aussi valable pour la lecture.

Voilà pourquoi je ne supporte pas les notes de bas de page pour définir/expliquer des mots. C’est comme, si pendant un film, quelqu’un arrêtait la projection et me disait : as-tu compris? Est-ce que lors d’une représentation théâtrale on va interrompre les comédiens pour se faire expliquer un mot? Est-ce qu’on va aller interrompre un conteur pendant son spectacle pour lui dire:«euh, là, je n’ai pas compris» ? Non. Mais dans un livre jeunesse, on le fait ou on simplifie à l’extrême en présumant que le lecteur ne sait pas, ne sait rien ( cela induit que le lecteur  ne peut aimer que ce qui lui est familier…)

Voilà pourquoi je ne supporte pas la tendance actuelle à faire des romans jeunesse avec un vocabulaire restreint, avec pas trop de « mots compliqués » (comment décide-t-on qu’un terme est compliqué, d’ailleurs? Il y a un nombre précis de mots à apprendre selon les tranches d’âges? À chaque âge ses mots? Il y a un guide pour ça? J’ai entendu une petite fille de 4-5 ans employer le mot « édifice » à bon escient dans une phrase…c’est grave? Oui, le vocabulaire se développe par phase mais c’est en étant en contact avec «l’inconnu» qu’il devient plus connu, non?). Fini alors l’invention littéraire? Fini alors les termes inventés? Les mondes éclatés, c’est fini? Tout doit relever du monde connu? Oui, mais qu’est-ce que le «connu» et  qui le balise ?

Derrière tout cela, il y a une image, une représentation de la littérature jeunesse et des jeunes lecteurs qui s’obstinent à les faire rentrer dans un cadre. La littérature n’a pas de cadre:elle est changeante, innovante, étonnante, parfois fatigante et effrayante. On ne la regarde pas d’un point de vue littéraire, on l’observe d’après une représentation, une idée qu’on se fait de son utilité sur ses lecteurs. Il serait temps qu’on s’en affranchisse, car on ne construit pas une littérature forte en la maintenant dans un cadre.

Un livre, c’est un électrocardiogramme dont le tracé dérive parfois et nous fait sursauter. Mais ce qu’il faut redouter, c’est la ligne droite. Bien droite.

 Ces mots sont un peu dans le désordre, et je les dois à ma lecture de 1001 activités autour du livre, de Philippe Brasseur et au blogue Tout me fait chier.

Du désordre oui, et aussi un clin d’oeil à Alfred et Bruce Wayne… ^^

Raconter une histoire…

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    Raconter une histoire, ce que faisaient nos ancêtres rassemblés autour des feux, la nuit, c’est la plus ancienne forme de fiction, celle qui est à la source de toute la littérature. Malgré toutes nos sophistications réelles ou supposées, il y a toujours en nous une curiosité et une faculté d’émerveillement enfantines devant les histoires. Contes de fées, romans d’amour, récits d’espionnage… ou faits divers, chacun peut trouver son propre type d’histoire, et chacun le trouve, parce qu’il en a besoin.

Pourquoi? Parce que le monde peut être une prison et que, comme l’a dit justement un célèbre conteur d’histoires merveilleuses, on a bien le droit d’essayer d’échapper à sa prison. Non pas, paradoxalement, pour nier le monde, mais pour mieux y revenir après être allé reprendre des forces au pays des rêves. Les rêves ne sont pas forcément le contraire de la réalité: ils sont peut-être plutôt ce qui nous encourage à la transformer…

Mais ce n’est pas la seule raison de notre fascination pour les histoires, et pour ceux qui les racontent. C’est aussi que raconter une histoire est la forme la plus ancienne du jeu de la communication. Quelqu’un, dans le noir ou à la lumière du jour, raconte quelque chose à quelqu’un d’autre: c’est une relation interpersonnelle, un partage, un échange.

Elisabeth Vonarburg, Comment écrire des histoires. Guide de l’explorateur. Éditions La lignée, 1986